Vous aimez lire, écrire, et particulièrement les poèmes ? Alors vous trouverez peut-être votre bonheur avec le haïku. En avez-vous déjà entendu parler ? Il s’agit d’un art poétique venant du pays du soleil levant. Faisant souvent référence à la nature, à une saison ou bien à une émotion, il a pour intention de capter la beauté de l’ici et maintenant. D’ailleurs, ce petit poème de trois lignes constitue une occasion de voyager au cœur de l’instant présent et de renouer avec l’essentiel. Envie d’en composer un ? Il suffit de suivre les règles de bases centrées sur la typographie, le style ainsi que le respect des 17 syllabes.
Voyons d’un peu plus près les détails.
Sommaire
Le haïku, un art poétique
Connu sous l’appellation « high-koo » en anglais, il s’agit d’un poème japonais traditionnel très court. Effectivement, si dans les autres langues, un poème peut aller de quelques lignes à quelques pages, pour cet art japonais, il ne dépasse pas trois lignes. Pour devenir plus concis, il comporte toujours trois vers, ni plus ni moins. Pareillement, il respecte une succession de 17 syllabes dans un ordre bien précis.
- Le premier se compose de cinq syllabes.
- Le deuxième comprend sept syllabes.
- Le dernier se constitue de cinq syllabes.
Pour vous dire que le haïku désigne une forme de poésie très particulière. Son essence repose sur la mise en mots d’un instant vécu, qu’il soit heureux ou malheureux. Il peut décrire une scène de vie, une émotion, évoquer la nature tout en utilisant le langage sensoriel. Selon les règles de cet art, il doit prêter attention aux détails, utiliser des images fortes ainsi que provoquer une mélodie harmonieuse lorsqu’on le lit à voix haute.
En outre, selon la tradition, ce petit poème reste toujours en relation avec les saisons. De fait, il doit exprimer la fugacité et le passage du temps.
Voici par exemple un haïku d’un auteur inconnu :
La forêt cache
– Troncs et feuillages épais —
Nos lèvres scellées
Ici, comme vous pouvez le constater, le poème ne rime pas. Effectivement, ce type de poème ne nécessite pas forcément une assonance ni une allitération. Néanmoins, comme cité plus haut, sa création suit des règles bien concises que je vais vous apprendre dans cet article.
Les maîtres du high-koo
Pour la petite histoire, l’origine du high-koo remonte à la fin du XVIᵉ siècle. De fait, à cette période, les poètes japonais écrivaient déjà en se basant sur le principe du 5-7-5 du haïku. Mais à l’époque, cette manière de composer s’appelait « hokku ». Celui-ci devient au 19e siècle le high-koo grâce à Masaoka Shiki. Si Mashuo Bashô a fondé la « philosophie de l’instant », lui, il a contribué à sa renaissance. Voilà pourquoi lorsqu’il s’agit de high-koo, nul ne peut oublier de mentionner ces deux noms en plus de deux autres. À savoir : Yosa Buson et Kobayashi Issa. Chacun à leur tour et à leur manière, ils ont perpétué et développés le poème traditionnel japonais.
Je vous livre un de leurs œuvres respectives en tant que maître du haïku. En tant que tel, il va de soi que leurs écritures conservent les règles de base de la philosophie de l’instant. Toutefois, je tiens à vous faire savoir que le high-koo de nos jours évolue et tend à s’éloigner petit à petit de ces principes traditionnels. Effectivement, ils ne suivent pas toujours les nombres de syllabes et tendent à devenir moins personnels.
Matsuo Bashô (1644-1695)
Rien ne dit
Dans le chant de la cigale
Qu’elle est près de sa fin.
Yosa Buson (1716-1783)
Chaque fleur qui tombe
Les faits vieillir davantage —
Les branches de prunier !
Le haïku par Kobayashi Issa (1763-1828)
Rien qui m’appartienne
Sinon la paix du cœur
Et la fraîcheur de l’air.
Masaoka Shiki (1866-1909)
Nuit brève —
Combien de jours
Encore à vivre.
Une poésie courte et méditative : le principe du high-koo
La célèbre poésie japonaise se fonde notamment sur les règles ci-après.
- L’idée d’instantané : le petit poème décrit l’ici et le maintenant et s’écrit d’ailleurs au présent.
- Une saison (kigo) : dans le poème, un mot va décrire directement ou indirectement la saison pendant laquelle vous avez capturé la philosophie de l’instant.
- La césure (kireji) dans le haïku : il s’agit d’un point, d’un tiret ou une virgule placés dans le petit poème pour faciliter la fluidité de la lecture. On les insère notamment pour focaliser l’attention sur le mot précédent.
- La présence d’une image : chaque poème possède en général une à trois images qui permettent de comprendre la scène en un instant et ainsi d’amener le lecteur à la visualisation de ce qu’il s’y passe.
- La lecture en un seul souffle étant donné la brièveté de la composition.
- Le respect des 17 syllabes : cinq syllabes puis sept et finalement cinq.
De ce fait, le haïku représente une image d’un instant de l’existence que l’on pose sur un papier, pour le revivre plus tard. Il apporte une sorte de photo souvenir des détails de « votre » aujourd’hui, unique, pour le célébrer ou mettre en mots une émotion.
Anthologie poétique japonaise : quels intérêts ?
Se ramener à l’ici et maintenant
Dans un monde où l’on a toujours quelque chose à faire, où la charge mentale et le stress nous envahissent sans arrêt, cette poésie courte apporte avant tout une forme de méditation active qui nous ramène à la vivacité du réel. En effet, le haïku vous invite au lâcher-prise et vous convie à apprécier la valeur du moment que vous vivez.
Concrètement, c’est une façon de se laisser émerveiller, mais aussi de faire jouer son imagination pour réfléchir à ce qui est présent, mais non dit à travers le poème. Et ce, où que vous soyez. D’ailleurs, sachez que dans les transports en commun, lors d’une promenade, beaucoup d’adeptes amènent avec eux leur anthologie poétique japonaise, qui regroupe les plus belles créations. À tout moment, ils s’en servent pour souffler et se détendre.
Renouer avec l’essentiel à l’aide du haïku
Alors que nous croulons sous une tonne d’informations chaque jour, il nous ramène à l’idée que le « peu en dit long ». Il invite à affûter ses sens et sa sensibilité, à prêter attention à ce qui nous entoure. Tous les haijins (les auteurs de ce type de poème) décrivent la même expérience au fil de leur pratique. Ils ont l’impression de devenir plus attentifs à ce qu’il y a autour d’eux et donc aussi en eux.
Aussi, le high-koo vous réconcilie avec vous-même ainsi que vos valeurs profondes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’au-delà d’un art poétique, le haïku constituerait pour certains l’occasion de s’épanouir et de retrouver la paix. Ils vivent plus en communion avec leur sens et deviennent globalement plus sereins. Cette poésie courte permettrait même de développer sobriété, humour et authenticité. Bien entendu, cela ne devient possible que si à votre tour, vous commencez aussi à en écrire régulièrement. Considérez cela comme un rituel personnel pour gagner en sérénité.
Rendre chaque jour mieux qu’hier
En écrivant, vous vous rendez compte du temps qui passe au gré des saisons, pour sans doute mieux en profiter au fil de l’âge qui avance. De fait, le haïku vous fait prendre conscience de la valeur du temps et cela vous pousse à vivre à fond chaque jour.
D’un autre côté, de plus en plus de personnes s’inscrivent à des cours de poésie japonaise pour exprimer ce qu’ils n’arrivent pas à dire à voix haute. Cet art poétique vous aide effectivement à décrire vos émotions, mais sous forme d’image pour s’en détacher. De ce fait, le high-koo vous aide à mieux communiquer vos ressentis.
Finalement, selon le poète japonais Matsuo Bashô (1644-1694), auteur d’environs 2000 poèmes japonais, la pratique du haïku permettrait de développer capacités.
- Sabi, qui est la simplicité, la connexion au temps qui s’écoule et qui modifie les choses extérieures et intérieures.
- Shori, la capacité à voir le beau, ce qui est digne d’être aimé dans des choses simples. Ce qui aiderait également à développer un sentiment de gratitude à l’égard de la vie.
- Hosomi, la découverte de la beauté dans ce qui est ordinaire. Chaque détail du quotidien est un potentiel miracle, le poème consiste à le capter.
- Karumi, l’humour, parfois utilisé dans ce type de poème, une façon d’alléger les drames de la vie.
Comment écrire un haïku en français ?
Écrire ce type de poème signifie capter la beauté de l’instant, même lorsque la journée ne s’annonce pas forcément merveilleuse. Plus que cela, il s’agit de donner de l’extraordinaire à l’ordinaire. Ce qui rejoint la citation d’Albert Einstein :
« Il n’y a que deux façons de voir la vie, l’une comme si rien n’était un miracle et l’autre comme si tout était un miracle. »
Vous êtes prêts à vous entraîner ? Inspirez-vous de mes conseils pour réussir la composition de ce poème japonais.
Les trois vers et les syllabes du haïku
Sachez d’abord qu’écrire un poème japonais relève d’une démarche personnelle à adapter selon chacun. Au début, cela vous semblera compliqué, mais au fur et à mesure de la pratique, vous pourrez tout à fait dépasser les règles et vous approprier cet art poétique. Voilà pourquoi j’ai utilisé le terme « inspirez » plutôt.
Comme mentionné à plusieurs reprises, ce type de poème japonais se forme avec 17 sons, que l’on appelle des mores. Au Japon, on les place en trois lignes sous la forme 5-7-5. D’ailleurs, contrairement aux anglophones, pour les Français, la structure du haïku reste la même. Nous allons diviser ces 17 sons en trois phrases. Ainsi la forme du poème sera : 5 syllabes, 7 syllabes, et 5 syllabes.
Notez que le high-koo ne demande pas forcément la constitution d’une vraie phrase. De même, la pratique de la césure, expliquée plus haut, ne sera pas nécessairement évidente au départ. Ainsi, ne laissez pas votre inspiration se brider par la forme du poème, concentrez-vous surtout sur son contenu.
La typographie du poème
À l’instar des exemples d’anthologie poétique précédente, écrivez le vôtre comme suit.
- À chaque ligne du haïku, mettez en majuscule le premier mot.
- Conservez le reste du poème en minuscule.
- Ponctuer uniquement pour souligner l’importance d’un mot ainsi que pour terminer le poème.
Le style
Bashô recommande de se limiter à la poésie au lieu de perdre votre temps en propos futiles. En d’autres termes, mieux vaut se focaliser essentiellement sur le message à faire passer que la manière de le faire passer. Évidemment, cela ne signifie pas que vous devez écrire n’importe comment. Bien au contraire, il vous invite à adopter un style d’écriture fluide, clair et concis pour le haïku.
Aussi, évitez au maximum les :
- verbes ;
- articles ;
- adverbes ;
- qualificatifs de nom ;
- répétitions ;
- métaphores.
Quel thème aborder ?
Sur quoi écrire ? Des tas de sujets s’offrent à vous. Il vous suffit de regarder par la fenêtre, de vous promener dans la nature ou de retranscrire une bonne nouvelle que vous avez reçue aujourd’hui. Tant que vous mettez en mots un instant bref, mais fort, vous pouvez vous inspirer de tout.
Par exemple la pluie qui vous chagrine, le chat qui se repose dehors ou une situation coccasse vécue. Pour le haïku, vous pouvez traiter tous les thèmes.
Enfin, la référence à une saison est importante, on nomme cela un Kigo. Elle peut être claire comme « été » « automne » ou suggéré « la neige » « les feuilles mortes ». Si vous avez besoin de vous inspirer, je vous invite à lire ici quelques-uns des plus beaux exemples.
Si le Japon nous avait déjà apporté beaucoup de sérénité dans nos vies à travers l’univers zen, l’ikigai et la calligraphie, le high-koo est un art qui va attirer de plus en plus d’adeptes.
Et vous, connaissiez-vous le haïku ? En avez-vous un à nous livrer en commentaire ? Si oui, nous vous invitons fortement à partager vos inspirations et vos écrits.
Merci pour ce rappel sur la structure du haiku et sur sa symbolique.
Trop de personnes pensent aujourd’hui qu’il suffit d’une phrase courte pour que ce soit un haiku. Mais, comme tu le précise dans cet article Ô combien important, c’est bien plus complexe que cela.
Bonjour,
Merci pour ton commentaire
Ravi que cet article te plaise
A très vite sur Penser et Agir
Mathieu